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- Ils sont des millions au Mali, mais aussi en Mauritanie, au Sénégal
en Guinée et jusqu'en Côte d'Ivoire: les fidèles du cheikh Hamahoullah,
fondateur il y a plus d'un siècle d'une branche de la confrérie soufie
Tijâniya, ont essaimé bien loin de son berceau.
Méconnu dans le monde occidental, ce courant religieux regrouperait
entre cinq et dix millions de fidèles en Afrique de l'Ouest, selon
différentes estimations, sans qu'une évaluation plus précise puisse être
établie.
Son fondateur cheikh Ahmedou Hamahoullah, né en 1883 d'un père maure
mauritanien et d'une mère peule malienne, est repéré très jeune pour ses
dons exceptionnels.
C'est à Nioro du Sahel, ville du Mali à la frontière mauritanienne,
qu'il développe sa propre vision, dite des "onze grains", de la
Tijâniya, l'un des principaux courants du soufisme en Afrique de
l'Ouest.
Les fidèles affluent par milliers à Nioro, "à pied, à dos d'âne, de
chameau, à cheval, du fin fond du désert de Mauritanie, du Sénégal, du
Mali", dit l'actuel chérif de Nioro, Mouhamedou Ould Cheikh Hamahoullah,
dit Bouyé, fils du fondateur.
Nioro du Sahel, "c'est un peu comme le Vatican du Mali", ironise
l'anthropologue Hamidou Magassa, spécialiste des courants de l'islam en
Afrique de l'Ouest. La ville est également le centre spirituel d'un
autre courant de la Tijâniya, autour de la figure d'El-Hadj Oumar Tall.
L'influence grandissante des fidèles d'Hamahoullah au début du XXe
siècle inquiète la France, qui a colonisé une large partie de la
sous-région. Débute une persécution des adeptes du "hamallisme" -- comme
les Francais appellent les fidèles d'Hamahoullah -- et le courant se
structure autour de son opposition au colon.
"Ils ont déporté mon père deux fois de suite", dit l'actuel chérif. "La
première fois, ça a duré dix ans" dans plusieurs pays d'Afrique de
l'Ouest, la deuxième, "il nous a dit que cela serait long mais qu'il
reviendrait".
"Quand les Francais sont venus reprendre mon père, j'avais trois ans.
Deux de mes grands frères de 28 et 24 ans sont alors tués par les
Français, le troisième est emprisonné. Il ne restait que les bébés (dont
lui, NDLR) et les mères de la famille", dit Bouyé.
La France déporte le cheikh Hamahoullah en France en 1942, où il
décèdera en 1943 à Montluçon (centre). Ses fidèles attendent toujours
son retour. "Jusqu'au bout", dit en souriant le chérif de Nioro.
Les tenants de la vision rigoriste et littérale de l'islam dont se
réclament les groupes jihadistes au Sahel n'ont que dédain pour l'islam
soufi ouvert des adeptes de la Tijâniya. Mais, dans cette lutte
d'influence, la Tijâniya "a des bases spirituelles qui me font dire qu'à
la fin, nous serons les gagnants", affirme le chérif de Nioro.
AFP