Mohamed Chighali
- « Inal », « veuves », « pendaisons ». Depuis 30 ans, ces mots
résonnent au son de la fanfare des défilés militaires du 28 novembre,
date de l’indépendance de notre pays. 30 ans que cela dure. 30 ans que
le même scénario se répète.
Un défilé militaire ici, une marche pacifique là-bas, de lacrymogène sur
des manifestants, des arrestations et rebelote l’année suivante. Les
faits sont têtus comme disait l’autre.
Mais moi, j’ai comme l’impression que l’obstination des pouvoirs publics
de « refuser » de prendre leur courage à deux mains pour mettre fin au «
génocide moral » conséquence du génocide physique de 28 mauritaniens
condamnés à la pendaison jusqu’à ce que mort s’en est suivie sans forme
de procès dans la nuit du 27 au 28 novembre 1991, est encore plus têtue.
Depuis 1991, on s’achemine lentement vers la mise à feu -par
retardement- d’un « conflit moral » qui n’oppose pas deux communautés
mauritaniennes l’une contre l’autre, mais qui oppose les régimes qui se
sont succédés à la conscience collective à cause d’une affaire de «
crime d’état » inscrite avec un sang humain sur le rôle de l’audience
d’un crime jusqu’ici impuni.
Cette année 2020, plus que les autres années, des voix de plus en plus
fortes provenant de toutes les composantes ethniques de ce pays
s’élèvent pour dénoncer le refus des pouvoirs publics de donner des
réponses toutes simples à des questions qui se posent légitimement année
après année depuis trente ans.
- Qui a commandité d’exécuter de manière extrajudiciaire, 28
mauritaniens qui apparemment ne sont reconnus coupables que d’avoir la
peau noire ?
- Qui sont ceux qui ont exécuté cette sentence qui relève du crime abominable et raciste ? - Où sont ensevelis les corps ?
Et surtout - le pourquoi de ce pourquoi invraisemblable ?
Les auteurs de ces actes qui déchirent la cohésion nationale et
envenimement l’atmosphère de l’unité doivent être traduits devant la
justice, la vraie, pas celle du « crime organisé » commee celle de cet
acte isolé commis dans le noir de la nuit glaciale de la localité
d’Inal.
Combien sont-ils derrière ce crime contre la citoyenneté mauritanienne
de soldats qui ont servis avec honneur et dévouement sous les couleurs
d’un drapeau national sensé les protéger ? Vingt, trente ? Cent
génocidaires ? Peu importe leur nombre.
Est-ce que la cohésion nationale de 4.000.000 de mauritaniens mérite
d’être sacrifiée pour protéger une poignée de criminels qui n’ont aucun
sens du devoir religieux, moral et national ?
En 1991, nous étions sous un régime sanguinaire. Des acteurs et des
témoins d’un crime et d’un génocide inouïs perpétrés contre des citoyens
à part entière de ce pays ont, par leur silence été complices du plus
abjecte mal qu’un musulman peut faire à un autre musulman.
Tant que le problème de ce passif sanguinaire n’est pas réglé pour un
devoir de mémoire, par la connaissance de la vérité ou par une
réconciliation nationale consensuelle, nous continuerons de marcher «
inconsciemment » sur un terrain miné.
Miné par des mauritaniens auteurs de génocide qui se baladent sans être
inquiétés dans un pays assis sur une poudrière au fond d’un volcan qui
risque de reprendre de l’activité à tout moment.
Et cela n’est de l’intérêt de personne. Ni de l’intérêt de ces
véritables lâches qui sont à l’origine de ce mal qui a creusé un fossé
dans l’unité nationale. Ni dans l’intérêt des régimes qui se succèdent
et qui, comme des sentinelles se relaient par tour de garde en se
passant des consignes qui donnent l’impression de « noter » de ne pas
régler définitivement ce passif qui n’est pas négro-mauritanien mais
mauritanien tout court après tout.
Pour sauver le pays rien ne doit être tabou ou considéré comme tel.
L’intérêt du pays est suprême et prime sur la traduction d’une poignée
de criminels devant une justice pour répondre de leurs actes.
Si nous continuons de jouer aux prolongations de cette affaire nous
allons donner l’impression aux veuves et aux orphelins des victimes de
cette barbarie qu’il y’a une Mauritanie à deux vitesses ou à deux
couleurs ce qui n’est pas vrai.
Ce qui est vrai par contre, c’est que la Mauritanie « arc-en-ciel »
souffre d’un déficit très prononcé d’une volonté politique de résoudre
un problème pourtant à équation unique.
Mohamed Chighali