La Mauritanie a été créée en 1899
par la France. Avant 1899, il existait de l’Ouest à l’Est en remontant le
fleuve, le waalo brach des wolofs qui avait sa capitale à N’Diourbel (Rosso
Mauritanie actuel), le Fouta Tooro, divisé en provinces : le Dimatt, le Tooro, le
Law, le Bosseya, le Nguenar, et le Damga, qui avaient presque tous leur
capitale sur la rive droite du fleuve, le Guidimakha, le Gadiaga et des Emirats.
Ces états étaient indépendants des uns des autres. Ils s’étendaient de part et
d’autre du fleuve Sénégal à l’exception des émirats qui étaient situés plus loin
dans le nord. La France a décidé de conquérir le bassin du fleuve Sénégal et
avoir la main mise sur cette région. Pour ce faire, elle a détruit, la
structure politique de ces états pour les coloniser sous le prétexte de lutter
contre des islamistes. Ce que la France appelle islamiste sont des résistants à
la colonisation française qui se sont fédérés autour de l’un de leurs points communs,
la foi. Pour affaiblir cette forte résistance, des populations de ces états fondée
sur leur foi inébranlable en la religion musulmane, la France créa de nouvelles
frontières, séparant ainsi les habitants de ces états, puis divisa leurs
familles. C’est ainsi que le fleuve Sénégal fut une frontière, créant un Waalo
Brach Mauritanie, un Waalo Brach Sénégalais, un Fouta Tooro Mauritanien, un
Fouta Tooro Sénégalais, un Guidimakha Mauritanien, un Guidimakha Malien, et un
Guidimakha Sénégalais. Après avoir divisé les populations de ces états et
séparer les familles, la France a fait des monographies pour étudier les
mentalités et les comportements des populations et recruter des collaborateurs
parmi certains dignitaires et religieux. L’un des événements les plus marquants
de la résistance, fut la bagarre du 15 février 1930 qui a eu lieu à Kaédi – Cette
bagarre, suscitée et organisée par la France dans le but de détruire définitivement,
la plus forte résistance qui lui a été opposée par les talibés de Cheikhna
Hamahoullah, tous de la communauté Soninké de Djeol et de kaédi, pratiquant le
wird des onze (11) grains. A ces résistants, la France a opposé d’autres religieux
pratiquant le wird de douze (12) grains. Il y eu 53 morts et plusieurs blessés.
Des 53 morts, 33 ont été enterrés dans une fosse commune. Les résistants survivants
de ces bagarres ont été arrêtés par la France et déportés. La France a créé une
haine entre des gens de la même Tarikha. En effet, tous les protagonistes sont
de la Tarikha Tijania, de Chekh Ahmed Tijani. Les talibés de Cheikhna Ahmed
Tijani étaient en train d’égrener leur 3chapelet,
en l’absence de leur chef. Quand ils ont atteint
le onze (11) grains, ils ont
vu venir Chekhna Ahmed Tijani, et ils
ont décidé d’augmenter un grain
afin de permettre à leur chef d’assister
à leur wird et bénéficier
ainsi des bénédictions supplémentaires. C’est
là, la seule différence entre
les wird. L’autre événement
marquant contre la pénétration française,
est l’organisation de la
résistance, par Abdoul Bocar Kane
à Kaédi. Abdoul Bocar Kane
était un redoutable opposant à la France.
Il a organisé un front de
résistance avec ses compagnons,
Sidi Ahmed Haïba, Demba Dramane
Wane et Alboury N’Diaye qui
est venu du Djolof pour les
rejoindre à Kaédi. Pour
pouvoir les capturer, la France a bombardé la
ville de Kaédi à partir du
bateau « la Cigale » le 29 juillet 1890. Toute
la puissance du feu de Abdoul
Bocar Kane et sa stratégie de combat reposaient
sur son chef d’état-major :
Birane Gaalé Dem Farba Birane Diack »
dont les descendants sont les
guerriers chefs de village de Djowol.
Les armes de ce redoutable
guerrier étaient fabriquées par la famille
Waïga de Djowol. Elles étaient
stockées et gardées soigneusement par
un autre redoutable guerrier
chef de village de Gori – Djeol du nom de Fakourou
Tandia. Après le bombardement
de Kaédi par le bateau la cigale,
le front formé par Abdoul Bocar
Kane se dispersa – Demba Dramane
Wane retourna chez lui où il
fut assassiné par ses parents
alliés des français. Alboury
N’Diaye alla vers le Mali – Abdoul Bocar Kane
alla rejoindre ses alliés
charatitt en Assaba : qui l’ont trahi et assassiné.
Abdoul Bocar a été victime d’un
complot organisé par la France
exécuté par Demba ould Guelaye
du Litana et les charatitt. Une autre résistance est celle de la
jeunesse de Djeol appelé « Thioppi Djeol » – les français avaient
imposé une corvée aux
populations des villages
situées sur le fleuve en particulier à
la jeunesse de ces villages. Le
transport se faisait par les grandes barques,
bateaux à voile de Saint-Louis
à Bakel. Les barques étaient tirés par 7
jeunes qui se relayaient au
niveau de chaque village. Lorsque la barque
transportant les colis et
marchandises est arrivé à Djeol les jeunes
de Djewol ont refusé de faire,
la relève et ont brûlé le drapeau français. Le
français qui était chef du convoi,
tira sur l’un des jeunes, le tua et les autres
disparurent dans la grande
forêt qui entourait le village. Cette
corvée a été supprimée à partir de cet acte de
jeunes de Djewol qu’on appelle
« Thioppi Djewol » c'est-à-dire
les poussins de Djewol en
langue peul. 4Dans le Tooro, il
y a eu des grands résistants tels
que le Lam Tooro Sidiki Sall et
Baïdi Kathié Pam qui a tué le Commandant
Abdel Djandé. Il a été exécuté
par la France. Dans le Dimatt,
le célèbre marabout Elimane Boubacar
Kane et son fils Elimane
Diaalo Hamet Kane, ce dernier a été arrêté
déporté à Gorée où il fut
exécuté. Le waalo brach a connu également
ses résidants : Dillé Thiam,
Birane Gaye, Youga Dalli, Hadya NDatté Yalla
Diop. Le Guidimakha a connu de
grands résistants, le célèbre
Mohamed Lemine Dramé, Fodé
Ismaila Diakité, de Gadiaga, Bakary
Soulé Cissé et Harouna Cissé
du village de Koumba-Ndao. L’on
ne doit pas oublier le grand résistant Ibrahima
Kane fondateur du village de
Maghama appelé Maghama Ibrahima – Il fut
assassiné par ses cousins sur
ordre des Français. Il y a également
Bocar Koundio et son neveu
Oumar Koundio de Lexeïba qui ont participé à la
bagarre du 15 juin 1930 de
Kaédi. Il y a également le
grand résistant fondateur des écoles
El Fellah Elhadj Mahmoud Bâ de
Djeol. Il fut arrêté par les Français
en provenance de l’Egypte. Il
transportait dans des camions des milliers
de livres arabes. Il fut
transféré à Dakar, puis sur Saint-Louis. Les
français finissent par le
renvoyer à son village à Djewol. Voici
la liste des résistants survivants à la tuerie
de Kaédi du 15 février 1930
qui ont été déportés et leur lieu de déportation.
Les déportés en Côte d’Ivoire :
1. Paly Kaba Diakhité
2. Margata Kaba
3. Kadre Badakho
4. Abdoul Salam Tandia
Les déportés au Bénin :
1. Mohamed Boune Youssouf Diagana et son fils
Youssouf Mohamed Diagana mort en détention enterré au village de Natilinkou
2. Samba Fakourou Tandia (Gori)
3. Abdoul Salam Tandia (Gori)
4. Fodé Abdoulaye
5. Diango Diagana
6. Kissima Baba Tandia (Gori)
Les déportés au burkina Faso :
1. Mahamadou Cissé
2. Bellamané Koita (père de
Guidado Khoumba Koita)
3. Fodé Gniouma
4. Modi Cissé
5. Bouna Tambo Wagué
6. Dramane Tandia (village de
Gori)
7. Toka Sirandou Koita
Les déportés au Mali :
1. Fodé Chaîbou Diagana
2. Housseynou Manga (Gori)
3. Kaba N’Diaye (Gori)
4. Fodé Issagha Diagana
5. Fodé Diaguily Tandia (Gori)
6. Nima Naha NDiaye
Les déportés en Guinée :
1. Salahina Ndiabou Diakhité
(Gori)
2. Cheikh Demba Tandia (Gori)
3. Mohamed Chouaibou Diagana
4. Bah Yahya Maréga
5. Lakhami Tandia
6. Bakari Kaba Diakhité
Les déportés à Atar :
1. Gaye Binta Diagana
2. Moussa Koita (père de Youssouf
Koita) ancien président de l’Assemblée Nationale de Mauritanie
3. Cheikh Tijani Bathili
4. Cheikhna Chouaïbou Diagana
5. Abdoulaye Idrissa
6. Samba Bathily
7. Abdoul Khalilou Diakhité
8. Hamidou Coulibaly
9. Aliou Sakho
10. Bintou Houleye Tandia
11. Kibily Ba Bouna Diagana
12. Amadou Diakhité
13. Fodié Demba Diakhité
14. Sidi Ali Coulibaly
15. Saïdou Dembélé
16. Cheikh Tidiane Fadé
17. Djibril Yaya
18. Bintou Assa Koita
19. Ousmane Manko
20. Baba Dinga Diallo
21. Mahadou Wopa
22. Waldé Diagana
23. Djeïnaba Kaba
24. Mariame Fadiga
25. Halimata Abdoulaye Diagana
26. Binta Chouaïbou Diagana
Les déportés à Nouakchott :
1. Younouss Galledou
2. Mamadou Doucouré
3. Aliou Khooré
4. Moussa Issakha Diagana
5. Tah Birama
6. Tidiani Issagha Diagana
7. Almamy Coulibaly
8. Sidi Mohamed Diagana
9. Bah Doussou Traoré
10. Mohamedou Diallo
11. Talib Diagana
12. Moghamedou Sidi
13. Cheikhna Marbaba
14. Mahamadou Tandia
15. Abdoulaye Diallo
16. Habibou Sy
17. Birama Bâ
18. Boubacar Diop
Les déportés à Nouakchott étaient
soumis à des travaux forcés. Ils ont participé à la construction des maisons en
banco du quartier Ksar de la ville de Nouakchott.
Les déportés à Aleg :
1. Chadi Mangassouba (décédé en prison)
2. Bouna Amara Maréga (décédé en
prison)
3. Mohamed bintou fadé
4. Nourou sakhanokho
5. Moussa Diagana
Les déportés à Moudjeria :
1. Moussa Gondo Diakhité (Gori)
2. Kondé Madjigué
3. Hamadi Kadi
4. Boubacar Sourakhata Camara
Les déportés à Rosso :
1. Sikhou Wagué
2. Moussa Semega
Les déportés à Boutilimitt :
1. Mohamed Diagana
2. Mama Cimina Fadé
3. Aïssatou Cheikhou
4. Bilele Seïna Tandia
5. Moussiré Diagana
6. Miouma Diani
Ces différents faits historiques
apportent un démenti sanglant à la thèse développée par certains de nos
compatriotes maures selon laquelle, les noirs de Mauritanie étaient des bras
armés des français pour coloniser la Mauritanie. Des telles contre-vérités ne
sont pas de nature à renforcer l’amitié nationale. Elles relèvent d’une
falsification consciente de l’histoire de notre pays. Ce qui est vrai c’est que
l’ensemble des composantes de notre peuple ont participé à la résistance contre
la pénétration coloniale. Si l’on se réfère à l’histoire, on sait que la France
c’est après avoir vaincu en les exterminant, les grands résistants du royaume
du waalo au sud mauritanien qu’elle a pu entrer dans l’Emirat du Trarza et puis
continuer vers le nord. C’est à partir de l’Emirat du Trarza où ils ont
bénéficié de l’appui et de la collaboration des marabouts de l’Emirat que les
français ont poursuivi la colonisation du pays. Dans leur conquête du pays, ils
ont utilisé la force des armes et la corruption pour s’imposer à presque tous
les chefs de tribus à l’exception de l’Emir de l’Adrar, le redoutable guerrier
Sid’Ahmed Aïda qui s’opposa farouchement et finit par tomber les armes à la main.
Le 60ème
anniversaire de l’indépendance de notre pays le 28 novembre 2020
a été l’occasion pour le chef de l’Etat, de rendre
dans son discours à la nation
un hommage appuyé aux résistants Mauritaniens
à la colonisation française. A la cérémonie de levée des couleurs, quelle
ne fut pas ma surprise et ma déception de constater qu’aucun noir ne
figure parmi les
récipiendaires des médailles
pour les résistants. L’on ne
peut pas à mon avis considérer Monsieur le Président
de la République comme
responsable, mais plutôt ceux qui
sont à l’origine du choix des
résistants présentés à Monsieur Le Président
de la République – Si cette
omission a été faite par ignorance des faits,
cet article leur fournit suffisamment
d’éléments qui leur permettront d’apporter
des correction à l’avenir. Il importe de noter qu’au moment du
transfert des actes de
compétence entre la France et
les responsables des anciennes colonies
(indépendance), la France n’a
donné le pouvoir qu’à ses
alliés les plus fidèles. Et
parmi ses alliés, l’Ethnie la plus minoritaire
démographiquement parlant. Ce fut le cas de la Mauritanie, c’est
pourquoi en guise de
récompense à ses alliés
marabouts du Trarza le choix s’est porté
sur l’un de leur fils pour être
le premier Président de la République. C’est également
le cas du Sénégal et du
Cameroun. Cette règle vaut pour toutes
les anciennes colonies
françaises. En 1960, à l’indépendance de la
Mauritanie, la France consciente
de la minorité des beïdanes et en complicité
avec le nouveau gouvernement il
a été décidé que les négro-mauritaniens
représentent un quart de la
population. Ils inventèrent pour les beïdanes
une majorité fictive qui ne
repose sur aucun recensement démographique. C’est
ainsi que le quota du quart
accordé aux négro-mauritaniens a été
créé et demeure jusqu’à nos
jours. L’exemple pour
illustrer cela, est le nombre des membres
du gouvernement accordé aux
négro-mauritaniens. Ce nombre a
toujours été de 4 ministres et très rarement
il est porté à 5. Pour essayer
de justifier cette majorité de la composante
beïdane, il a été organisé en
1964, un recensement général démographique
de la population. Les résultats
de ce recensement ont donné les
haratines (Maures noirs)
majoritaires, suivis des négros-Mauritaniens
(Soninké, Peul, Wolof et
Bambara) et en troisième position les beïdanes.
Le pouvoir a tout fait pour que
ces résultats ne soient pas publiés mais
en vain. Depuis cette date
aucun recensement du même genre n’a été organisé
en Mauritanie. Si cela a été
fait, les résultats n’ont jamais été publiés.
C’est toujours à la recherche
d’une majorité à la composante
beïdane au pays, que le
Président Moktar ould Daddah a voulu rattacher
le Sahara occidental à la
Mauritanie. Mais son projet a échoué
– poursuivant la même
politique, ses successeurs ont profité des événements
dramatiques qui ont lieu durant
les années 1989, 1990 et 1991, pour
tuer des centaines et expulser
des milliers de négro-mauritaniens vers
le Sénégal et le Mali pour
diminuer leur nombre. La carte nationale d’identité
biométrique a été créée avec
pour objectif entre, autre de limiter le
nombre de négro-mauritaniens
comme citoyens tandis que des sahraouis,
des Touareg et même des
Syriens réfugiés seraient recensés comme Mauritaniens
toujours à la recherche d’une
majorité pour la composante
beïdane.
A. OIGA Ancien Directeur Général de la Caisse Nationale
de Sécurité Sociale